Au camp de Pithiviers. Luzer Biglaizer est à droite, avec une casquette (hiver 1941-1942, sd). Archives familiales

Luzer (Léon) BIGLAIZER
par son fils Jacques Biglaizer

De mon père, je n’ai aucun souvenir car je suis né en 1939. C’est par mes deux sœurs que j’ai appris des choses sur lui. Il est né à Mazowieck, en 1906. Je sais qu’il parlait mal français, qu’il était tailleur et qu’il s’est bien débrouillé. J’ai retrouvé son carton de repas de mariage. Il avait l’air d’être heureux de sa vie avec ma mère, il avait l’air d’aimer sa mère et ses quatre frères et sœurs. Il soutenait sa nombreuse famille.

Quand on était en maison d’enfants à Brunoy, mes sœurs m’en parlaient souvent. Elles avaient cinq ans de plus que moi et se considéraient un peu comme ma mère. Elles me protégeaient car je n’étais pas très solide.

J’étais au courant de la déportation, je savais que mon père avait été convoqué et qu’il avait gentiment été s’y rendre, parce qu’il avait peur des représailles sur sa famille, que ce n’était pas une preuve de lâcheté, mais au contraire une preuve de courage.

Je suis rentré de maison d’enfants en 1947, ma mère est morte en 1949, j’avais dix ans. J’ai vécu avec elle de ma naissance jusqu’à l’âge de six ou sept ans.

Elle avait contracté la tuberculose pendant la guerre et n’avait pas pu se soigner.

Je pense que ma mère parlait de mon père avec mes sœurs, mais pas avec moi. Pour ma mère, j’étais un peu son petit chéri. Elle m’a laissé les cheveux longs jusqu’à 6 ans pour que mon père me voie ainsi.

Je ne crois pas avoir attendu mon père, je suis sûr que non. Avec mes sœurs, nous n’en avons pas beaucoup parlé et, plus tard, chacun a vécu sa vie.

Je suis resté jusqu’à 15 ou 16 ans en maison d’enfants, jusqu’à ce que je puisse me débrouiller dans la vie. Comme nous avions gardé l’appartement de mes parents, 86 rue du Faubourg Saint-Denis, mes sœurs m’ont repris à la maison et m’ont mis à l’ORT. J’y suis resté quelques mois, mais ça ne me plaisait pas. Ensuite, j’ai travaillé chez mon cousin Ady Fuchs, dans la confection.

Je ne sais pas à partir de quand j’ai su que mon père ne reviendrait pas. Je ne peux pas dire qu’il m’ait manqué parce que je ne l’ai jamais connu. Il me ressemble un peu et ça me fait drôle quand je regarde des photos. J’ai plus de vrais souvenirs de mon grand-père et de ma grand-mère parce que je les ai plus connus que mon père. Mon grand-père paternel a été également déporté de l’hôpital Rothschild. Ma sœur en parle dans l’interview qui a été faite avec elle dans le livre Pithiviers-Auschwitz. Mon grand-père maternel n’a pas été déporté, je l’ai connu normalement.

Malheureusement -et pour cause- je n’ai pas grand-chose à dire sur mon père. Tout ce que je sais de lui m’a été transmis par mes sœurs et peut-être ma mère, ainsi que par les lettres et les photos. J’ai une fille qui s’y intéresse beaucoup et avec laquelle j’ai fait un voyage à Auschwitz.

 

Témoignage recueilli en 2008

 

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LUZER (LÉON) BIGLAIZER
Interné au camp de Pithiviers à partir du 14 mai 1941
Déporté à Auschwitz le 25 juin 1942 par le convoi 4
Assassiné à Auschwitz le 8 août 1942 à l’âge de 33 ans

JACQUES BIGLAIZER
Fils de Luzer (Léon) Biglaizer
en 1939