Tojwie Bezbrody (1941). Archives familiales

Tojwie BEZBRODY
par sa fille Gisèle Bensignor

Mes parents sont originaires de Lodz (Pologne). Mon père est né en 1904 et ma mère en 1909. Mon père avait une sœur, ses parents avaient un petit bazar. Ma mère avait sept frères et sœurs, son père était cordonnier. Leur situation financière étant difficile, comme beaucoup, ils sont venus en France pour avoir une vie meilleure. D’ailleurs, ma mère avait déjà un oncle et une tante à Paris. Mon père est arrivé en 1930 pour chercher du travail comme tailleur et ma mère l’a rejoint en 1931. Ils se sont mariés aussitôt et ont travaillé comme tailleurs à domicile dans un petit appartement près de la Place des Vosges. Ma sœur Hélène est née le 4 septembre 1932. Leur situation s’étant améliorée, mais pas suffisamment pour faire un voyage ensemble, ma mère est allée en Pologne en 1937 avec ma sœur pour revoir ses parents. Je suis née le 6 septembre 1938.

En 1939/1940, mon père seul est allé en zone libre à Toulouse et, au moment de l’exode en 1940, nous sommes parties ma mère, ma sœur et moi avec sa tante et ses enfants en Normandie.

En 1941, mon père a été interné à Beaune-la-Rolande et libéré le 26 août 1941. Ma sœur aînée pense que c’était pour raison de santé. En effet, il avait des problèmes cardiaques. D’ailleurs, sur une fiche du fichier général de la Préfecture de Police de la Seine, il est indiqué : “services de guerre : engagé volontaire : inapte” et dans les mentions particulières de cette fiche : “recherché”. Je me suis toujours posée la question de cette mention.

Le 8 juillet 1942 est née ma dernière sœur Paulette. Le 16 juillet 1942, maman était donc à l’hôpital. Nous étions chez notre tante paternelle, mon père était seul dans l’appartement. Il a été pris, emmené rue Geoffroy-l’Asnier, et après à Drancy d’où il est parti pour Auschwitz par le convoi 9, le 22 juillet 1942. Je me souviens que maman disait qu’il avait été prévenu de la rafle, qu’il n’avait pas voulu se cacher car il pensait qu’il ne serait pas pris à cause de ses problèmes de santé, et surtout qu’on risquait, si on ne le trouvait pas, de prendre sa femme et ses enfants.

Jusqu’en 1943, nous avons vécu avec notre mère, cachées le plus souvent chez des amis et voisins. En 1943, lorsque la situation est devenue trop difficile pour elle avec trois jeunes enfants, nous avons été prises en charge par l’Entraide Temporaire. Mes sœurs et moi avons été d’abord rue Jacquier et ensuite placées dans une famille à la campagne à Jouy (Eure-et-Loir). Maman a été employée dans une des caches de l’Entraide Temporaire, l’Hôtel Stella, rue Monsieur Le Prince. La responsable était Madame Marteau avec qui nous avons conservé des relations après la guerre. Maman était, pendant cette période, en contact direct avec le docteur Alfred Milhaud et sa femme, Denise, les responsables de l’Entraide Temporaire, mais ils n’avaient pas voulu lui dire où nous étions. Elle avait de nos nouvelles indirectement et dès la libération de Paris, elle a pu venir nous voir à Jouy (Paulette qui avait un an à la séparation l’a appelée Madame).

Hélène est rentrée à Paris avec elle en septembre 1944, Paulette et moi sommes restées à Jouy jusqu’à l’armistice en 1945 et sommes revenues ensuite à Paris. Nous n’avons pas récupéré l’appartement qui était occupé, mais ma mère a pu obtenir un appartement dans le même immeuble où elle avait vécu depuis son mariage et où nous sommes nées.

Mon père n’est pas revenu d’Auschwitz, un frère et deux sœurs de ma mère (sur une famille de onze) ont survécu dans le ghetto de Lodz et sont venus la rejoindre à Paris. La vie a continué...

 

Témoignage recueilli en 2009

 

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TOJWIE BEZBRODY
Interné au camp de Beaune-la-Rolande à partir du 14 mai 1941
Libéré le 26 août 1941 pour raisons de santé
Déporté à Auschwitz le 22 juillet 1942 par le convoi 9
Assassiné à Auschwitz

GISÈLE BENSIGNOR
Fille de Tojwie Bezbrody
Née le 6 septembre 1938 à Paris 4e