Marc Gougeon et Andrée Kahn, son épouse (sd, sl). Archives familiales

Marc GOUGEON
par sa fille Monique Gougeon

J’avais cinq ans quand mes parents ont été arrêtés à Laval. On était des industriels forains. Mon oncle Joseph Cohen, dit Youpi, avait un cirque. Il vivait avec nous.

Nous avions un manège à Laval. Ma maman, Andrée Kahn, est née en Moselle en 1912, mon papa est né à Versailles, ma grand-mère paternelle, Julie Cohen, née à Belfort était mariée avec un catholique. On était des gens du voyage. On est tous nés en France et personne n’a eu à se faire naturaliser. Mon père a été déporté en tant que Français et en plus, il s’appelait Gougeon… On n’a jamais pratiqué la religion, on n’en a jamais eu l’occasion.

Ce sont les gendarmes français qui sont venus les arrêter en 1942. Ma sœur et moi étions à l’école. Ils ont arrêté ma maman et ma grand-mère. Mon papa était avec mon oncle Youpi. Ils n’étaient pas présents car ils avaient essayé de passer en zone libre, mais ils ont été vendus.

On a beaucoup été cachés, la nuit, on ne dormait pas dans les caravanes. Ma grand-mère paternelle était cachée à Rothschild, on la croyait en sécurité, et quand on a été avertis qu’il allait y avoir une rafle, une de mes tantes, non juive, a été la chercher. Ma grand-mère a été déportée à Auschwitz en même temps que ma mère, et elle est revenue. Je crois qu’on a séparé les jeunes et les vieux et comme elle parlait bien l’allemand, c’est la Croix-Rouge qui l’a fait sortir du camp, lui a apporté une blouse. Mais ma maman, elle, n’a pas pu. Mon père n’a jamais su que ma mère avait été déportée, on n’a pas pu le contacter. J’ai une lettre de ma mère du camp.

J’ai vécu avec ma grand-mère paternelle jusqu’à 17 ans.

À la Libération, à Laval, ma grand-mère nous envoyait, ma sœur et moi à la gare à chaque fois que des prisonniers revenaient. On entendait des noms, mais pour nous, il n’y avait jamais rien.

Quand mes parents ont été déportés, on est parties dans les Vosges. Dans la journée, on était cachées chez une sœur d’une tante de ma grand-mère.

Nos origines sont hollandaises, jusqu’aux arrière-grands-parents. Nous avons toujours été forains, on était amuseurs publics. Pendant la guerre, on nous a tout pris, les camions, les manèges. J’ai été élevée par une tante et ma sœur par une autre tante. Je me suis mariée, on a fait les marchés et vendu des vêtements pendant quarante ans jusqu’à ma retraite.

Mon papa était un gentil papa, adorable. Quand on était à Laval et qu’on ne pouvait plus bouger puisqu’on nous avait pris nos camions, il était prestidigitateur de métier. Une tante avait dit à ma mère de ne pas aller se déclarer, mais on lui avait dit que si elle allait se déclarer, on lui donnerait des tickets pour manger. On n’avait plus rien à manger et c’est de là que tout a démarré. Du côté de ma maman, j’ai un oncle décédé qui était rabbin à Troyes.

Ma maman était une belle jeune femme, enjouée, courageuse. Elle avait 27 ans quand elle a été déportée. Mon père avait 41 ans, il était né le 14 octobre 1900 à Versailles. Ma sœur est née en 1936 et moi en 1937.

Tout ce dont je me souviens, c’est que j’ai vu maman monter dans un bus avec des gendarmes français. On sortait de l’école. Une dame nous a tirées quand elle a vu ce qui se passait et elle a dit : “surtout, ne criez pas”. Nous sommes remontées à la maison, maman était partie, mon père était parti avec mon oncle Youpi. Comme j’avais une tante, sœur de mon père qui était en zone libre, ils ont cru bien faire d’aller la rejoindre.

Ma grand-mère née en France était d’origine hollandaise et chez eux, on parlait yiddish.

Le matricule de mon papa était 43760.

 

Témoignage recueilli en 2013

 

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MARC GOUGEON
Interné au camp de Beaune-la-Rolande le 27 juin 1942
Déporté à Auschwitz le 28 juin 1942 par le convoi 5
Assassiné à Auschwitz le 17 août 1942 à l’âge de 41 ans

MONIQUE GOUGEON
Fille de Marc Gougeon
Née en 1937 en France