Après la guerre, Moshe Jakubowicz avec Paulette, son épouse (sd, sl). Archives familiales – Photo extraite du livre de Maurice Jacoubot et Aurélie-Samantha Boulé, De Jakubowicz à Jacoubot, 1994.

Moshe JAKUBOWICZ
par son neveu Maurice Jakubowicz

Je suis né à Paris 20e, le 9 mai 1941, le jour même où la police française envoie le désormais fameux “billet vert” à plusieurs milliers d’hommes juifs étrangers. Mon oncle Moshe Jakubowicz, né à Piotrkow (Pologne) en 1917, arrivé en France depuis 1936, où il a rejoint trois de ses frères aînés (dont mon père Abram), fait partie des convoqués.

Quand il vient saluer ma mère et le nouveau-né à l’hôpital Tenon, il confie son inquiétude à sa belle-sœur (en yiddish certainement) au sujet de cette convocation à la fois rassurante : “Venez accompagné…” et menaçante (les réfractaires “s’exposeraient aux sanctions les plus sévères”). Ma mère, d’instinct (cet instinct de survie qui nous sauvera, mes parents et leurs neuf enfants durant toute la guerre), lui conseille de ne pas y aller. Mais il se rend finalement à la caserne des Tourelles, le 14 mai. Comme des milliers d’hommes juifs ce matin-là, il est arrêté et envoyé à Beaune-la-Rolande où il passera près d’un an.

Ayant à un moment dénoncé un trafic de nourriture impliquant des détenus et l’administration du camp, il est puni et muté avec 150 autres détenus pour le centre de détention, près de la caserne de Compiègne. Là, il fait connaissance avec les SS, les barbelés, la brutalité, le mépris. La vie à Beaune-la-Rolande, par comparaison, lui paraît presque comme un séjour en colonie de vacances… Il côtoie les otages, Juifs, communistes, résistants, suite aux premiers attentats contre l’armée allemande à Paris. Une évasion importante de communistes se produit après quelques semaines, et les sanctions ne vont pas tarder, sans parler du programme de solution finale, décidé en secret depuis Janvier par la machine nazie : 1232 d’entre eux vont former le convoi n°2. Ils partent le 5 Juin 1942, ils arrivent dans un lieu inconnu, un autre monde : Auschwitz. Là-bas, il sera le numéro : 38601.

Sur place, l’hécatombe des détenus est violente. Dès le mois d’octobre 1942, par exemple, son beau-frère, Benyamin Malz, arrivé par le convoi 4, meurt d’épuisement dans ses bras.

En septembre 1945, après que ses frères, que toute sa famille l’ont cru mort, mon oncle Moshe revient avec un de ses copains de captivité, après deux ans et demi passés à Auschwitz et 8 mois dans d’autres camps en Allemagne, une sorte de record… Il est squelettique, il boite un peu, mais il est vivant !!!

Bien qu’âgé seulement alors de trois ans et demi, je me souviendrai toujours de notre émotion, de nos rires, de nos larmes : une famille de 11 Juifs rescapés au fond de l’Impasse Saumon (Paris 20e), les Jakubowicz, qui ont perdu la plupart de leurs copains et voisins juifs, accueillent un homme qui revient de l’enfer…

Ma mère, lorsqu’il a disparu en Mai 1941, pressentant un malheur, m’a donné son prénom d’adoption : Maurice pour Moshe… Mon oncle m’a fait le cadeau de survivre, m’évitant de porter le prénom d’un jeune homme massacré.

Il est mort en 2002.

Avec l’aide de sa petite-fille, Aurélie-Samantha Boulé, il a écrit en 1994 un petit livre sur son parcours de vie et de survie : “De Jakubowicz à Jacoubot, mémoires d’un rescapé des camps de la mort”.

J’ai moi-même écrit, à l’intention de mes proches, un récit des conditions de survie de notre famille de 1941 à 1944.

Mon frère aîné, Simon Jakubowicz, né en 1932, a notamment écrit en détail son expérience douloureuse d’enfant caché dans l’Aisne avec trois de nos sœurs.

 

Témoignage recueilli en 2009

 

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MOSHE JAKUBOWICZ
Interné au camp de Beaune-la-Rolande à partir du 14 mai 1941
Déporté à Auschwitz le 5 juin 1942 par le convoi n°2
Décédé en 2002

MAURICE JAKUBOWICZ
Neveu de Moshe Jakubowicz
le 9 mai 1941 à Paris 20e