Strul Mendel STAL
par son fils Albert Stal

Mes parents sont venus en France dans les années 1920. Ils ont loué un appartement très modeste, 33 rue Vandrezanne, dans le 13^e à Paris.

Ma sœur Margaret, née en mars 1937, mon frère Salomon, né le 5 décembre 1928, et moi-même, né le 22 avril 1926, avons grandi dans le 13^e arrondissement à Paris.

Mes parents n’étaient pas pratiquants et n’allaient pas à la synagogue. Ma mère respectait la cacherout pour des raisons diététiques.

Mon père, né le 17 juin 1904 à Szydlowice, en Pologne, était le deuxième enfant d’une fratrie de dix enfants. Deux d’entre eux seulement ont survécu à la Shoah.

Mes grands-parents paternels, Moche Aron et Esther Stal, ont péri pendant la Shoah.

Ma mère, Liba Englender, avait trois frères qui ont quitté la Pologne pour venir à Toronto dans les années 1920. Ils sont maintenant décédés. Ses parents sont également morts pendant la Shoah.

Ma mère était une femme sensible et souriante. C’était une bonne épouse, généreuse pour tous. Mon père, boiseur tapissier, travaillait très dur. Il insistait sur la sincérité et l’honnêteté dans tout ce qu’il faisait et dans ses relations avec les autres. De mai 1925 à novembre 1934, il a eu deux employeurs. Puis il s’est installé comme artisan aux Lilas.

Il parlait français couramment, ainsi que l’allemand, le polonais, le russe et le yiddish. Il s’intéressait à la politique et lisait les journaux, et également les éditions du week-end avec des extraits d’auteurs français et étrangers.

Il a été engagé volontaire au titre de la Légion Étrangère le 1^er mars 1940 et dirigé sur Barcarès.

Le 14 mai 1941, mon père a été convoqué au commissariat du quartier.

En été 1941 (ou peut-être en 1942 !), nous sommes allés à Beaune-la-Rolande. Je ne me souviens pas du jour, ni du mois ni de l’année ! Le camp était gardé par des gendarmes avec des armes sur la poitrine. Les hommes, les femmes et leurs enfants étaient installés dans un champ loin des baraques. Ma mère avait apporté des aliments et des boissons qu’elle a posés sur une couverture dans l’herbe. Nous avons mangé, nous avons pleuré, nous nous sommes embrassés et nous sommes partis le jour même. Nous ne devions plus revoir notre père. Il a été déporté par le convoi 5.

Notre mère a été arrêtée lors de la rafle du Vel d’Hiv, internée à Pithiviers et déportée de Pithiviers pour Auschwitz le 3 août 1942, convoi 14. Notre frère Salomon, de nationalité française, a également été interné à Pithiviers et déporté de Drancy le 26 août 1942 par le convoi 24. On retrouve son nom dans la liste du wagon 14. Il avait 13 ans.

En 1949, ma sœur et moi avons quitté la France pour le Canada pour échapper aux horreurs de la guerre. Nous avons construit une vie meilleure pour nous-mêmes et pour nos familles.

Témoignage recueilli en 2008

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