Dan et Jacob LEVINSKY
par Ami Kaufman-Levinsky, leur fils et frère

Mon père Jacob est né à Kharkov, en Biélorussie, le 24 septembre 1899. Ma mère, Léa Kauffman était née également en Russie le 20 mai 1900. Ses parents étaient religieux et avaient engagé un enseignant pour apprendre à lire et écrire l’hébreu à leurs enfants (qui étaient au nombre de neuf enfants, au moins).

Mes parents sont venus en Palestine en 1922 après la Révolution bolchévique. Ils se sont connus à Jérusalem et se sont mariés en 1924. Mon frère Dan est né le 2 juillet 1926 à Jérusalem.

Mon père est venu en France en 1926 pour terminer ses études à Toulouse. Puis il s’est installé à Châlette sur Loing comme ingénieur chimiste à l’usine Hutchinson jusqu’en juin 1940, date à laquelle il n’a plus pu exercer sa profession en raison des lois anti-juives. Il a dû travailler chez un droguiste à Montargis.

Raymonde Novodorsqui-Frazier se souvient que la famille de Dan et sa propre famille se fréquentaient et se voyaient souvent. “Dan n’était pas très grand, il avait les cheveux bruns, c’était un brillant élève. Il fréquentait le Collège de garçons, rue Gambetta, à Montargis où il était élève depuis octobre 1932 (comme l’attestent les registres scolaires). Il voulait être médecin. Il attendait les résultats de l’écrit de la première partie du baccalauréat. Il ne les a jamais eus”. Ses camarades de classe gardent le souvenir d’un garçon calme, agréable, très studieux. Aucune matière au lycée ne le mettait en difficulté. C’était le plus jeune de la classe. Il aimait la musique et étudiait le violon.

Mon frère Dan et mon père ont été arrêtés à leur domicile, 135 rue Gambetta à Châlette-sur-Loing, au cours de la première grande rafle de la région de Montargis.

D’abord internés quelques jours au camp de Beaune-la-Rolande, Dan et mon père ont été déportés à Auschwitz le 28 juin 1942.

Ma mère, Lea Levinsky-Kaufman, et moi-même, Aimé, âgé de neuf mois, avons été arrêtés au cours d’une rafle concernant principalement des enfants restés seuls après la déportation de leurs parents. Ma mère est arrivée au camp de Beaune-la-Rolande le 10 octobre 1942. Elle a été affectée aux baraques 16 bis et 17. Elle a été hospitalisée à diverses reprises à l’hôpital de Pithiviers, ainsi qu’à l’hospice de Beaune. Elle a quitté le camp de Beaune-la-Rolande par le convoi du 23 mars 1943 à destination du camp de Drancy, puis a été déportée à Sobibor.

Lorsque j’ai été arrêté avec ma mère, l’abbé Crespin, alors curé de Châlette, a réussi, après des démarches, à venir me chercher à la prison pour me confier à une famille.

J’ai été confié à une amie de mes parents, Madame Gorkin qui habitait rue Carnot à Châlette. Son mari, Monsieur Gorkin (ingénieur à Hutchinson) et leur fille Aviva (qui venait de passer l’écrit du bac) avaient été déportés par le convoi n°5 avec mon frère et mon père.

En février 1944, on est venu nous arrêter, Madame Gorkin, son fils Henri et moi-même. Je ne sais pas si c’étaient les Français ou les Allemands. C’est une fois de plus l’Abbé Crespin qui m’a sauvé de la mort en affirmant qu’il me fallait des injections d’insuline. La Gestapo me laissa sortir de la prison grâce à son “mensonge”. J’ai ensuite été dans une famille à Châlette, puis dans une maison d’enfants de l’OPEJ (la Malmaison). Ensuite, demandé et adopté par ma tante maternelle, je suis parti en Israël en 1947. J’ai fait mes études universitaires à New York où je me suis installé en 1962 et où j’ai fondé une famille.

Je possède de nombreuses lettres de l’Abbé Crespin envoyées à ma tante alors que j’habitais à Châlette. Une demande de médaille des Justes est en cours pour toute son activité de protection de Juifs (pour moi-même et d’autres Juifs de Montargis).

Selon les archives d’Auschwitz, Dan serait mort le 15 août 1942 d’une “entérite liée à une faiblesse physique”.  Dan avait le matricule 43741 et Jacob, son père, le matricule 43740.

Témoignage recueilli en 2012

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