Berek PASERMAN
par sa fille Isabelle Zdroui née Paserman
Mon père est né le 20 septembre 1904 à Wolbrom (Pologne) dans une famille nombreuse. Il a connu ma mère en Pologne, avant d’arriver à Paris en 1930.
Ma mère Chana Paserman née Propinator est née à Kurzelow (Pologne). Ses parents étaient épiciers, crémiers du village (shtetl). Mon grand-père est mort très jeune (39 ans) à la suite d’un pogrom. Sa mère se trouvant seule, maman a dû l’aider à élever ses frères et sœurs. Ma mère est arrivée à Paris en 1930, elle a été hébergée chez une de ses sœurs Malka qui, malheureusement, a été arrêtée lors de la rafle du Vel d’Hiv, puis déportée et n’est jamais revenue.
Mes parents se sont mariés le 17 février 1931. Ils habitaient 219 rue de Bercy à Paris 12e. Ils exerçaient la profession de casquettier et marchand ambulant.
Je suis née le 6 novembre 1931 à Paris 13e, déclarée française à ma naissance. Ma sœur Léontine/Léa est née le 11 février 1936 à Paris 12e, elle aussi française par déclaration.
Mon père et ma mère travaillaient très dur, le matin sur les marchés et l’après-midi à la maison pour la finition des casquettes. C’est pourquoi nous avons été placées en nourrice en banlieue parisienne, ma sœur et moi, et avons peu profité de leur présence, sauf lors de rares moments passés en famille, à la maison ou lorsque nos parents venaient nous voir chez la nourrice.
À la déclaration de la guerre, le 2 septembre 1939, mon père s’est engagé en tant que volontaire étranger. Il a été affecté au centre d’instruction des bataillons de pionniers de Septfonds au RMVE (Régiment de marche des volontaires étrangers). Il a été démobilisé et rapatrié en zone occupée le 12 septembre 1940.
Durant son instruction, il a obtenu une permission pour venir nous voir ma sœur et moi au préventorium de Banyuls où nous étions placées pour raison de santé. Nous y sommes restées assez longtemps. À notre retour à Paris, notre père n’était plus présent à la maison. C’était la dernière fois que nous l’avons vu avant son arrestation, le 14 mai 1941.
Il a été convoqué au gymnase Japy à Paris, dans le 11e arrondissement : on lui demandait de se présenter en personne, accompagné d’un membre de sa famille “pour examen de sa situation, prière de se munir de pièces d’identité” (“billet vert”).
Mon père a été interné le jour même au camp de Beaune-la-Rolande.
Motif d’internement : en surnombre dans l’économie nationale.
Autorité signataire de la décision : Préfecture de Police.
Mon père est resté au camp de Beaune- la-Rolande du 14 mai 1941 au 8 mai 1942.
Après bien des recherches, j’ai obtenu certains documents et, pour approfondir mes démarches, je me suis adressée au Cercil à Orléans.
J’ai appris par leur intermédiaire que mon père s’était évadé durant un mois, puis était revenu de lui-même au camp, la raison de son évasion nous est inconnue.
Pendant la durée de son internement à Beaune-la-Rolande, certains objets ont été fabriqués par des internés. Mon père a fait réaliser pour ma mère un coffret à bijoux avec l’inscription : “Souvenir de Beaune la Rolande à ma chère femme le 25 3 1942 CH.P (Chana Paserman)”.
Je ne sais pas par quel moyen ce coffret est parvenu à ma mère. J’ignore comment cet objet a pu être sauvé, c’est le seul souvenir de notre père avec quelques photos qui nous sont restées.
Le 8 mai 1942, mon père a été transféré au camp de Compiègne, stalag 122, il y restera jusqu’au 5 juin 1942, puis sera déporté par le convoi n°2 au camp d’extermination d’Auschwitz où il reçut le matricule 38848.
Lors de son départ ma mère a reçu des autorités allemandes une carte écrite en allemand, dont voici la traduction :
“Qu’il était transféré vers l’Est d’après les dispositions de notre service supérieur.
Le but de la destination n’est pas ici connu, si bien que vous devez attendre plus tard les nouvelles des détenus”
Signature : Le capitaine, et les autorités d’occupation.
La date de son décès d’après les documents du camp d’Auschwitz serait le 18 août 1942, soit deux mois et demi après son arrivée, la cause indiquée précise : crise cardiaque suite à une pneumonie. La coïncidence dramatique de cet événement a été que le camp d’Auschwitz soit à proximité de la ville de Wolbrom, lieu de sa naissance.
Après la guerre, ma sœur et moi-même avons été en maison d’enfants à Draveil pendant un an, en attendant que notre maman puisse se loger et reprendre ses activités.
Témoignage recueilli en 2008
BEREK PASERMAN
Interné au camp de Beaune-la-Rolande à partir du 14 mai 1941
Déporté par le convoi n°2 à Auschwitz le 5 juin 1942
Assassiné à Auschwitz le 18 août 1942 à l’âge de 37 ans
ISABELLE ZDROUI NÉE PASERMAN
Fille de Berek Paserman
Née le 6 novembre 1931 à Paris 13e