Julius et Yetty Ladenheim avec leur fils Marcel (1939 ? sd, sl). Archives familiales

Julius LADENHEIM
par son fils Marcel Ladenheim

Mon père était né le 3 juin 1910 à Vienne en Autriche. Son père s’appelait Eliukem et sa mère Amalia. Mon grand-père a été déporté de France le 4 mars 1943 à Majdanek par le convoi 50. Mes parents se sont rencontrés en France et venaient tous deux de Vienne (Autriche). Mon père est arrivé en France le 13 avril 1937.

Je sais très peu de choses sur ma mère, Yetty Blecher. Elle était née à Stanislawow en Pologne, en juin 1910. Je ne connais pas sa date d’arrivée en France. Mon père était fourreur à Vienne et également à Paris, pour le peu de temps qu’il a vécu avant d’être arrêté.

Mes grands-parents maternels ont immigré de Vienne en Israël avant la guerre.

Je suis né à Paris en 1939 et j’ai vécu avec mon père et ma mère pendant quelques années Passage Brady, dans le 10e arrondissement. Mon père était fourreur et ma mère était mannequin.

Mon père a été arrêté en 1941 et interné dans le camp de Beaune-la-Rolande pendant un an, puis déporté à Auschwitz par le convoi 5 du 28 juin 1942. Je pense que j’ai rendu visite à mon père à Beaune-la-Rolande, mais je n’avais que 3 ans…

Pendant ce temps, ma mère et moi avons vécu avec des personnes non juives. Je me souviens que nous allions souvent au théâtre, au cinéma pour échapper à la police et aux Allemands. Puis j’ai appris que ma mère avait été emmenée dans une maison psychiatrique près de Paris en 1943. Il semble qu’elle soit tombée malade quand nous habitions avec ces personnes et elle a tenté d’attaquer un homme avec un couteau. Je suis resté avec ces gens qui étaient des amis de personnes non juives, Olga et Esther Masoli, non loin de chez nous. La concierge de notre immeuble, passage Brady, n’aimait pas ma mère qui parlait mal français et parlait surtout allemand, ce qui a amené ma mère, qui se sentait en danger, à aller se cacher 24 rue Pouchet dans le 17e. Apparemment, à l’âge de 4 ans, j’ai frappé à la porte d’Olga et Esther, je leur ai dit que je voulais vivre avec elles et elles m’ont fait entrer. Je suis restée avec elles, jusqu’en 1945, de l’âge de quatre à six ans. Puis ma mère a essayé de nous reprendre pendant quelques mois, mais son état mental ne le permettait pas.

Mon frère, Henri, est né le 26 mai 1941, alors que mon père était déjà à Beaune-la-Rolande. Je suis retourné vivre chez Olga et Esther jusqu’en 1948, et mon frère a vécu chez l’ami d’Olga. Olga me disait que ma mère venait parfois, mais ne voulait pas entrer. Elle est restée hospitalisée plusieurs années et je ne l’ai revue qu’à 18 ans. Puis ma tante et mon oncle du côté maternel sont venus de Manchester pour me reprendre. Ils m’ont fait obtenir un passeport autrichien.

Ils étaient très religieux, et je ne me sentais pas très bien avec eux. Mon frère, à leur contact, est devenu très religieux, bien qu’ayant été baptisé, semble-t-il. Il est devenu très orthodoxe et habite en Israël.

Ma tante est partie vivre en Israël quand j’avais 19 ans et ne m’a pratiquement pas donné signe de vie. J’ai ensuite vécu dans une famille ultra-orthodoxe à Manchester qui était très chaleureuse. J’avais été accepté pour faire des études de médecine, ce que je souhaitais depuis toujours, mais mon oncle m’a conseillé de faire des études dentaires pour mieux gagner ma vie. C’est ce que j’ai fait et je l’ai bien regretté. J’ai terminé mes études en 1963.

J’ai rencontré ma femme en Israël, elle est Américaine. Nous sommes revenus vivre en Angleterre, nous nous sommes mariés en 1965 et notre première fille est née en 1966. J’ai trois enfants et cinq petits-enfants.

Ma mère ne m’a jamais parlé de l’arrestation de mon père, ni les sœurs Masoli qui m’ont caché. Je ne sais pas à quel moment j’ai compris que mon père ne reviendrait pas. La mort de mon père continue à me hanter.

J’éprouve le besoin de témoigner dans les écoles à Londres de ma vie en France pendant la Shoah. Les jeunes Anglais sont très intéressés et je leur explique les dangers du racisme et de la propagande, même dans le XXIe siècle.

 

Témoignage recueilli en 2011

 

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JULIUS LADENHEIM
Interné au camp de Beaune-la-Rolande à partir du 14 mai 1941
Déporté à Auschwitz le 28 juin 1942 par le convoi 5
Assassiné à Auschwitz

MARCEL LADENHEIM
Fils de Julius Ladenheim
en 1939 à Paris