Nuta Szister (sd, sl). Archives Jacqueline Bismuth-Szister / TDR Cercil

Nuta SZISTER
par sa fille Jacqueline Bismuth

Je suis née à Paris 9e le jeudi 3 août 1939. Mes parents se sont mariés à Paris le 12 juin 1938. Ma mère, Teofila Grynbaum, est née à Varsovie le 28 août 1906. Elle est venue à Paris à l’âge de 16 ans. Ses parents étaient originaires de Varsovie et je possède leur ketouba et leur faire-part de mariage en polonais.

Ma grand-mère maternelle est morte d’une attaque cérébrale en mars 1942 et mon grand-père Fiszel Grynbaum a été déporté le 2 mars 1943 par le convoi 49.

Mon père, Nuta Szister, fils de Daniel Szister et de Ruchla Cywia Kagan, est né le 11 janvier 1904 à Rowno (Pologne ou Russie selon les périodes). Maintenant, c’est l’Ukraine, à côté de Tchernobyl ! Dans des papiers russes que je possède, il est stipulé que mon père était né le 29 décembre 1903. Il est venu en France en 1929. Il habitait 1 rue de l’Ouest à Paris 14e et il avait, à la même adresse, faisant l’angle avec le 94 avenue du Maine, un magasin de confection pour hommes. Ma mère était mécanographe comptable chez Peugeot.

Mon père s’est engagé volontaire pour la France en tant qu’étranger en 1940. Je possède des photos de lui à l’armée avec des amis et une grande photo où il est avec son beau-frère Lutek Grynbaum.

Mon père a été convoqué le 14 mai 1941 au commissariat de police de la rue Boyer Barret dans le 14e, puis ce fut Beaune-la-Rolande et le convoi 5 pour Auschwitz. Ma mère n’a jamais rendu visite à mon père au camp. J’ai des photos de lui à Beaune et sa correspondance avec ma mère pendant plus d’un an, y compris une pétition adressée au Commandant du camp pour un droit de visite et une carte postale envoyée en recommandé le 27 juin 1942, la veille de son départ, pour me souhaiter à l’avance l’anniversaire de mes trois ans qui devait avoir lieu le 3 août 1942.

Plus tard, après l’arrestation de mon père, nous avons été dénoncées par notre propriétaire, M. Litrem, ami de Goering. Ma mère, avertie, s’est enfuie avec moi en pleine nuit. Puis ce furent des caches et des errances pour traverser la ligne de démarcation à Vierzon et rejoindre Lyon en zone libre.

À la Libération, ma mère continuait à attendre mon père et me disait qu’il était amnésique et qu’il reviendrait. J’ai attendu avec elle toute mon enfance. Elle est devenue commerçante. Pour reprendre notre appartement et le magasin de mon père, elle a fait un procès aux différents voisins.

Ce n’est qu’en 1995 que ma tante Fanny, jeune sœur de ma mère, un an avant de mourir, m’a remis les lettres de mon père et de ma mère de Beaune-la-Rolande. Quant à ma mère, elle est morte d’un infarctus du myocarde le 22 décembre 1975.

 

Témoignage recueilli en 2012

 

 

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NUTA SZISTER
Interné au camp de Beaune-la-Rolande à partir du 14 mai 1941
Déporté à Auschwitz le 28 juin 1942 par le convoi 5
Assassiné à Auschwitz le 17 août 1942 à l’âge de 38 ans

JACQUELINE BISMUTH
Fille de Nuta Szister
Née le 3 août 1939 à Paris 9e