Zalman BILD, Israël WARTSKI et Abram TROJANOWSKI
par leur neveu Gilles Bild

Fin 19^e, les Bild vivaient à Francfort, d’où notre nom à consonance allemande. Mon arrière-grand-père s’établit à Kutno, une petite ville polonaise près de la frontière allemande.

Mon grand-père, Baruch Bild, était négociant en alcool. La famille se composait de cinq fils et de trois filles. L’aîné (dont je porte le prénom) étant mort très jeune, mon père Isaac Mayer devint l’aîné. Papa refusa de faire son service militaire, devint déserteur et ne retourna jamais en Pologne.

Mon oncle Zalman (dit Sid) Bild, frère de mon père, né en 1903, fit son service militaire dans l’armée polonaise et décida ensuite de quitter le pays. En 1936 ou 1937, il partit pour Vancouver où habitait un de ses oncles. Il y resta deux ans. Mon père le fit venir à Paris en raison de la récession au Canada. Il l’aida à s’établir et il devint fabricant d’épaulettes pour la confection (chaque vêtement avait besoin d’épaulettes).

Durant son séjour à Vancouver, il se lia d’amitié avec Bella, jeune fille née à Londres qui  avait décidé d’aller habiter au Canada. Ils se fiancèrent.

En 1937, papa rencontra la famille de Bella, les Faust. Il voyageait souvent à Londres pour affaires car nous y avions un comptoir. Mon père était modéliste et confectionneur. Les Faust et papa décident de faire rentrer Bella de Vancouver et Sid et Bella se marièrent à Paris. Bella enceinte, la famille était inquiète car les évènements de 1938 laissaient présager le début d’une guerre imminente. Mon oncle s’engagea dans un contingent de l’armée française car un édit stipulait que les engagés obtiendraient automatiquement la nationalité française.

Fin 1938, Bella quitta la France, direction Vancouver. Elle était enceinte, elle espérait pouvoir obtenir un visa pour son mari. Malheureusement, cela fut impossible, du fait des quotas. Elle arriva à prendre l’un des derniers bateaux en direction d’Halifax. En 1939, au début des hostilités, toute notre famille resta “coincée”. Papa fut mobilisé et il fut impossible de partir, alors que nous venions d’obtenir nos visas pour les USA.

Sid et deux de mes oncles de Paris, Abram Trojanowski et Israël Wartski, tous trois étrangers, furent internés à Beaune-la-Rolande, à la suite du “billet vert”, puis déportés à Auschwitz, Abram par le convoi 5 et Israël par le convoi 4. Maman et moi avons pu leur rendre visite à deux reprises et leur apporter des petits colis, des vêtements et des denrées alimentaires. J’avais à peine 14 ans mais je me souviens encore de ces visites.

À Beaune, Sid avait certains privilèges, étant donné qu’il était ingénieur électricien. Il aurait pu s’évader, mais il décida de rester pour aider ses deux beaux-frères qui étaient complètement perdus. Nous avions une grande famille, avec mes grands-parents et mon arrière-grand-mère (98 ans). Papa, maman, mes deux frères et moi fûmes les seuls survivants.

Sid était un colosse, il survécut au camp, à la marche de la mort et fut libéré par les Américains en 1945, mais il mourut quelques jours plus tard. Bella ne revit jamais son mari, et ma cousine Hannah ne revit jamais son père.

Nous avons appris ces événements après la Libération par un soldat américain qui était juif et qui cherchait les Bild à Paris. Il voulait avoir des nouvelles de Sid. Sid parlait un peu anglais et surtout le yiddish.

Nos oncles : Abram Trojanowski était marié à Edka (née Bild), qui a survécu avec ses trois enfants, cachés dans une ferme en France.

La femme d’Israël Wartski, Kayla (née Bild), et ses deux fils, Armand et Maurice (âgés de 6 ans et 9 ans) furent déportés par les convois du 2 septembre 1942 et du 19 août 1942.

Kayla et Edka étaient sœurs de mon père et de Sid.

Il y avait d’autres frères et sœurs qui habitaient en Pologne et qui périrent tous dans les camps.

Nous avons reçu une carte postale de Birkenau, elle nous est parvenue avec le cachet de cet endroit, en allemand. Toute la famille était trilingue puisqu’en Pologne, ils habitaient près de la frontière. Malheureusement, cette carte a été égarée. Nous avons perdu trente-neuf personnes de notre famille proche, inclus mes grands-parents et mon arrière-grand-mère qui avait 98 ans.

Hannah n’a jamais eu de détails sur son père par sa mère. De plus, mon oncle vivait chez nous jusqu’au jour de son mariage qui ne dura même pas un an. Sid était pour nous comme un deuxième papa. Sur la fiche du camp de Beaune-la-Rolande, il est indiqué qu’il a été “muté” à Pithiviers le 4 juillet 1942 et déporté par le convoi 6.

Témoignage recueilli en 2009

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